Au célèbre « Sea Grill » du Radisson Blu, le chef fait désormais cavalier seul.
Yves Mattagne est le chef le plus médiatisé de Belgique. Et sans doute aussi le plus ambitieux. Ce qui, dans le cénacle de la haute gastronomie, n’est pas nécessairement un défaut. À 47 ans, toujours à la recherche de l’excellence et de l’exception gourmande, il a décidé de jouer son va-tout pour décrocher le rêve de sa vie: la 3e étoile.
Connu et reconnu pour ses préparations proposées au restaurant « Sea Grill » de l’hôtel Radisson SAS, Mattagne avait conscience que si l’assiette était toujours au top, il travaillait depuis vingt ans dans un décor aujourd’hui passablement défraîchi. Et qu’une remise à neuf du restaurant « s’avérait plus que nécessaire ».
Engagé dans des discussions à ce sujet avec le groupe Rezidor Hotel dont le siège est basé à Bruxelles et qui est propriétaire du restaurant étoilé et du SAS Radisson le chef essuya une fin de non-recevoir. D’autant que dans le contexte économique du moment le géant hôtelier tablait davantage sur des économies que sur un investissement. Et que l’exploitation du restaurant bi-étoilé pesait déjà quelque peu sur sa rentabilité. Conséquence logique de cette situation, Mattagne, après avoir minutieusement pesé le pour et le contre, a décidé de faire cavalier seul. Mais avec deux associés de sa « petite entreprise » (1): David Hagenaars, responsable du développement opérationnel et Vincent Barry, le financier. Le trio a donc racheté le fonds de commerce du restaurant, loué l’espace à l’hôtel, et repris les 25 membres du personnel. Aujourd’hui, après deux mois de fermeture, c’est un Sea Grill new look qui voit le jour. Un endroit entièrement repensé et remodelé pour la bagatelle de quelque 600.000 euros.
Nouveau look.
Ce nouvel écrin est signé Patrick Raemdonck dont le bureau d’architecture et de décoration CARA Design, implanté à La Hulpe et à Saint-Tropez, a réussi, en un temps record, à créer une ambiance d’élégance feutrée propice aux plus belles envolées gastronomiques. Avec, il va de soi, un recours aux matières les plus nobles et savamment mises en scène. Ainsi la grande salle à manger conçue dans un « esprit transatlantique » aux couleurs chaudes, se retrouve plus aérée et offre davantage d’intimité grâce à une meilleure répartition des tables. Et l’œil, ici, s’attarde volontiers sur une grande toile du peintre français Emmanuel Flipo et sur deux œuvres majeures de l’artiste américain Rob Douglas.Trois espaces du new Sea Grill peuvent par ailleurs être privatisés grâce à un système de parois coulissantes intelligemment intégrées. Ils offrent de multiples possibilités pour un déjeuner privé ou un repas d’affaires. Ainsi dans le salon « Racines », sept convives peuvent prendre place autour d’une table unique qui n’est autre qu’un tronc massif d’essence d’acacia. Sans doute plus discret et plus chaleureux que chez Bruneau, l’endroit peut être recommandé à un certain Bart De Wever ou à son ami Didier Reynders. Et si d’aventure le cercle de famille devait s’agrandir, sûr que les salons « Murano » (jusqu’à 15 convives) et « Grandes profondeurs » (de 10 à 20 personnes) devraient faire f’affaire. Dans le premier, c’est un mur entier en pierres de Venise qui retient l’attention. Le second, par un savant travail de ferronnerie, illustre très à propos des bans de poissons.
Un autre lieu risque de cartonner au Sea Grill: le bar, lui aussi en carreaux de Murano. Il affirme sa vocation conviviale avec ses clubs en cuir couleur fauve, ses canapés de velours, ses tables basses aux patines cuivrées sur lesquelles brûlent discrètement des bougies délicatement parfumées.
C’est là aussi que trône une œuvre très originale de l’ébéniste français Etienne Moyat qui fait ressortir la puissance de son art en sculptant à la tronçonneuse des panneaux de pin massif. On admirera le travail en sirotant l’apéro ou en dégustant l’une des créations culinaires signées bien évidemment Yves Mattagne. Lequel, en sa qualité de fumeur pas encore repenti, a aussi veillé à ce que le plus cosy et le mieux aéré des fumoirs, puisse accueillir les amateurs de gros boulons et de digestifs d’exception.
Ainsi revu, corrigé et carrément réinventé, le Sea Grill by Mattagne peut donc très logiquement espérer (voire revendiquer) la troisième étoile. D’autant qu’en cuisine hormis quelques indispensables créations rien n’a changé. Ainsi Fabrice D’Hulster, sommelier émérite et personnalité présente depuis 13 ans déjà dans l’organigramme, se retrouve directeur de salle, en lieu et place du gentil Marc Meremans promu executive assistant manager de l’hôtel. En cuisine, c’est l’excellent Frédéric Murati qui veille au respect des directives créatives et culinaires d’Yves Mattagne. Et pour le reste, c’est la totalité de l’ancienne équipe qui reste en place. Tant il vrai qu’on ne change pas une équipe qui gagne…
Par Jean-Léon Wauters
(1) Petite entreprise qu génère un chiffre d’affaires annuel de 1 million d’euros. Yves Mattagne et ses associés gèrent en effet une école de cuisine à Tour & Taxis, un atelier-laboratoire à Bierges, B 52 (un lieu événementiel au bout de l’avenue Brugmann à Ixelles) et, très prochainement, un établissement qui devrait s’ouvrir avenue de Tervueren à Bruxelles. Il s’appellera… brasserie Mattagne!
L’Echo
http://www.lecho.be/actualite/epingle_gastronomie/Yves_Mattagne-_tout_pour_la_troisieme_etoile!.8964758-3451.art?highlight=raemdonck